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RADIO : Développement durable et ses conséquences(suite)

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Message par daniel Mar 18 Jan - 10:46

Suite de l'emmission

Pascale Fourier : Mais est-ce que cela ne remettrait pas en cause radicalement toute l’économie des pays occidentaux?


Jean-Marie Harribey : Alors, bien évidemment, les dirigeants des pays développés aujourd’hui ont très bien pris conscience que le changement de mode de développement complet à l’échelle de la planète implique des revirements, des remises en cause radicales. Et c’est ainsi, je crois, que l’on peut s’expliquer la manière dont s’arc-boutent les Etats-Unis pour refuser le protocole de Kyoto dont vous parliez tout à l’heure. Si les USA ont refusé jusqu’ici de ratifier le protocole de Kyoto qui prévoit de limiter les émissions de gaz à effet de serre d’abord dans les pays les plus riches, puis progressivement on espère dans la plupart des autres pays, si les Etats-Unis ont refusé, c’est parce qu’ils ont très bien compris que cela remettait, même à la marge, en cause leur mode de consommation qui est la plus énergétivore du monde à l’heure actuellement, car à eux seuls, ils émettent à peu près 25% des gaz dits "à effet de serre" de la planète. Donc, à Rio de Janeiro, le président Bush, déjà le premier de ce nom-là, déclarait : « Notre mode de vie n’est pas négociable ». Et Bush junior suit les pas de son prédécesseur de père puisqu’il a refusé de ratifier ce protocole ; ce protocole, ne nous leurrons pas, qui est extrêmement timide, parce qu’il prévoit de limiter les émissions de gaz à effet de serre, de les réduire de 5,2% par rapport à 1990 d’ici 2012. Jamais on n'atteindra cet objectif, parce que pour l’instant il n’est pas en application et puis parce que les modalités de son application prévoient de confier la régulation des émissions de gaz à effet de serre à un nouveau marché qui serait un marché où l’on échangerait des permis … de polluer. Les autorités internationales émettraient une certaine quantité de droits de polluer pour l’année en cours en fonction des normes de pollution que l’on aurait retenues comme acceptables, et ensuite les pays ou les grandes entreprises échangeraient sur cette Bourse qui fonctionnerait comme une Bourse spéculative où on échange des titres financiers, sur ce marché s’échangeraient ces permis d’émission. Objectifs timides qui ne seront pas atteints parce l’évolution de la pollution n’a pas été inversée -la courbe d’augmentation de la pollution est toujours extrêmement croissante- , et le moyen qui est prévu pour réguler cette affaire a déjà apporté une preuve de son échec dans d’autres domaines: les marchés ne sont pas en mesure d’assurer à eux seuls une régulation satisfaisante de la planète.


Pascale Fourier : Je ne comprends toujours pas très très bien, parce que je ne vois pas comment on pourrait prôner en même temps un développement durable qui serait soucieux de l’environnement et ne pas accepter une remise en compte des modes de consommation...


Jean-Marie Harribey : La conférence de Johannesburg avait officiellement pour tâche de faire le point 10 ans après Rio. D’ailleurs un surnom avait été donné à Johannesburg : "Rio + 10". A Rio de Janeiro, il y avait eu trois conventions importantes d’adopté : une convention pour éviter le réchauffement climatique -le protocole de Kyoto était censé y faire suite- , une convention pour protéger la biodiversité et une convention pour ralentir la déforestation. A Johannesburg, rien, pratiquement rien n’a été décidé. Il y a eu un blocage sur deux ou trois questions importantes, notamment est-ce que il fallait adopter une disposition prévoyant de réduire la part des énergies non-renouvelables dans la production et la consommation d’énergie totale ou est-ce qu’il fallait fixer, ce qui revient au même, une norme minimale d’énergies renouvelables cette fois-ci dans l’énergie totale; ça a été refusé. Il y a eut un second point d’accrochage autour de la question de l’aide et des subventions agricoles. Les pays du Tiers-Monde demandaient à ce que les pays riches réduisent les subventions accordées à leurs agriculteurs qui pratiquent une agriculture très intensive, polluante et qui envoient leur production sur le marché mondial où elle ruine complètement les agricultures traditionnelles des pays pauvres. Il y a à l’heure actuelle environ 360 à 370 milliards de dollars chaque année versée chaque année aux agriculteurs des pays riches, à comparer avec la minuscule aide publique au développement des pays pauvres qui n’est que de 50 milliards de dollars. Donc les pays riches versent 7 fois plus d’argent à leurs agriculteurs qu’à l’ensemble des pays pauvres. Il n’a pas été possible de se mettre d’accord sur cette question-là, ce qui fait que, de l’avis de tous les participants, de tous les observateurs, le bilan de Johannesburg est encore plus mince que celui de Rio qui n’était déjà pas très important.
Donc, voilà où on en est. Il ne fait pas de doute qu’en l’absence de prise de décisions nettes et fermes sur ces questions qui sont aujourd’hui débattues dans le monde, il ne sera pas possible de déboucher sur quelque chose de positif. Les subventions agricoles, l’aide au développement sont sans doute les pierres d’achoppement les plus importantes pour intégrer progressivement la communauté des pays pauvres dans l’ensemble des discussions internationales.


Pascale Fourier : Il y a encore un petit point qui me chiffonne, c’est que de toute façon je ne vois absolument pas comment les déclarations des pays riches pourraient autre chose que de l’hypocrisie, dans la mesure où, du moins si j’en crois les médias, si on décide de faire "décélérer la croissance", il y aurait des millions de chômeurs en plus.


Jean-Marie Harribey : Là, c’est une question extrêmement délicate, parce qu’elle rencontre, pour le coup, une des préoccupations centrales de la population. Au sein des pays riches, nous avons passé une période, et nous continuons de traverser une période où le chômage est extrêmement important, et où le ralentissement de la croissance actuelle montre que cette menace-là était loin d’avoir disparu. Alors comment peut-on à la fois concilier une amélioration du bien-être humain, cette fois-ci au sein des pays riches qui ne placeraient pas tous les espoirs dans une croissance infinie. Je crois que le patronat, le Medef l’a compris à l’envers, mais il l’a bien compris. Pourquoi a-t-il renâclé tant contre la réduction du temps de travail et pourquoi a-t-il tout fait pour que le nouveau gouvernement remette en cause la timide loi des 35 heures. Eh bien parce que qu’ils ont très bien compris que la réduction du temps de travail était une manière de répartir les gains de productivité, -la productivité a atteint des niveaux très élevés, elle continue de progresser dans les pays riches, et la réduction du temps de travail est une façon de les répartir pour une autre finalité qu’une augmentation perpétuelle de la production et donc par conséquent de la consommation. Et je crois, personnellement, que la réduction du temps de travail ; d’abord c’est une des plus vieilles revendications du salariat, depuis deux siècles, elle a toujours été au centre des combats ouvriers les plus importants de toute l’Histoire ouvrière et elle continuera à être un enjeu essentiel parce que par le biais de la réduction du temps de travail on peut amorcer, je crois, une véritable réorientation des finalités de l’appareil productif et donc des finalités du travail humain. Est-ce qu’il faut travailler toujours plus pour produire toujours plus et consommer toujours plus, donc renouveler une voiture tous les deux ou trois ans, voire plus, ou bien au contraire faut-il utiliser ces gains de productivité pour améliorer la qualité de vie, avoir du temps pour soi, avoir du temps pour vivre. Et ça, le patronat l’a très bien compris, parce que lorsque vous distribuez une partie des gains de productivité sous forme de réduction du temps de travail, vous êtes obligée de remettre en cause la répartition des revenus. Et ça, mettre en relation la réduction de temps de travail et la répartition des revenus, c’est s’attaquer au cœur du système.


Pascale Fourier : Là on s’est un peu éloigné du développement durable, alors, on y revient ?


Jean-Marie Harribey : On était parti de l’idée que le développement durable était empreint d’une ambiguïté fondamentale. Pour la lever, je crois qu’il faut miser sur la qualité : la qualité de la vie, la qualité de la production, la qualité du travail et donc faire en sorte que l’augmentation de la productivité qui est permise par le savoir-faire humain et qui est permise par l’amélioration des techniques que ce savoir-faire humain amène soit utilisée essentiellement pour assurer la promotion des êtres humains et pour assurer la préservation de l’avenir de la vie et des conditions de vie sur la planète, et à ce moment-là on pourra parler de "durabilité". Mais si la durabilité devait se résumer à faire durer ce qui a existé depuis deux siècles, alors là, je crois que nous serions face à une mystification gigantesque.

Pascale Fourier : Eh bien merci Jean-Marie Harribey d'être venu cette semaine et en plus de revenir la semaine prochaine pour nous parler des notions de "libéralisme et capitalisme"... Pour les auditeurs qui seraient très impatients d'entendre ce que vous avez à dire, je leur rappelle qu'ils peuvent vous lire dans un petit livre extraordinaire qui s'appelle "La démence sénile du capital": c'est aux Editions du Passant et c'est un livre brillant de rigueur et d'intelligence... Sinon, on peut aussi trouver vos textes sur votre site http://harribey.montesquieu.u-bordeaux.fr. A la semaine prochaine!
daniel
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